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france périphérique - Page 4

  • Deux peuples antagonistes sont en train de naître à l'ombre des grands discours républicains...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 27 octobre 2015 et consacrée à l'"anniversaire" des émeutes de 2005 en banlieue ...

     


    Zemmour - 27-10 par rtl-fr

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  • Comment on a sacrifié les classes populaires...

    Les éditions Flammarion viennent de publier le nouvel livre de Christophe Guilluy intitulé La France périphérique - Comment on a sacrifié les classes populaires. Géographe et sociologue, Christophe Guilluy a publié Fractures françaises (Bourin, 2010), un essai important qui a mis en lumière l'impact de la mondialisation sur la société française...

     

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    " Désormais, deux France s'ignorent et se font face : la France des métropoles, brillante vitrine de la mondialisation heureuse, où cohabitent cadres et immigrés, et la France périphérique des petites et moyennes villes, des zones rurales éloignées des bassins d'emplois les plus dynamiques. De cette dernière, qui concentre 60 % de la population française, personne ne parle jamais. Laissée pour compte, volontiers méprisée, cette France-là est désormais associée à la précarité sociale et au vote Front national. Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi a-t-on sacrifié les classes populaires sur l'autel d'une mondialisation volontiers communautariste et inégalitaire, aux antipodes des valeurs dont se réclame la classe politique ? Comment cette France populaire peut-elle changer la donne, et regagner la place qui est la sienne, la première ? Dans cet essai polémique et percutant, Christophe Guilluy dresse un diagnostic sans complaisance de notre pays, et esquisse les contours d'une contre-société à venir. "

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  • Le malaise de la France des « petits Blancs »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Aymeric Patricot publié par le quotidien Le Figaro. Agrégé de lettres et professeur en banlieue parisienne, Aymeric Patricot vient de publier aux éditions Plein jour une enquête intitulée Les petits Blancs - Voyage dans la France d'en bas.

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    Le malaise de la France des « petits Blancs »

    LE FIGARO. - Que vous inspire le succès en librairie des livres sur la question de l'identité et sur l'histoire de France?

    Aymeric PATRICOT. - Ils me paraissent traduire une certaine inquiétude. Certes, l'«identité de la France» n'est pas chose figée. Mais on la présente aujourd'hui comme un simple réceptacle à d'autres cultures, d'autres populations. Sans doute faudrait-il trouver un juste milieu entre sa dimension universelle, ouverte, et le fait qu'elle présente une épaisseur, celle de l'histoire, celle des régions, celle des «territoires». Il est dommage qu'en France les deux extrêmes se regardent en chien de faïence sans parvenir à dialoguer.

    Dans votre livre, vous montrez que l'appartenance à une communauté a progressivement remplacé l'appartenance à une classe sociale...

    Pas exactement. J'explique, et en cela je m'inspire de travaux de nombreux sociologues, que depuis le milieu des années 2000 une «question raciale» s'est ajoutée à la «question sociale». En d'autres termes, on ne peut plus se contenter d'analyser les rapports dans ce pays en termes de richesses relatives, de pouvoirs d'achat, de relégation sociale… Les émeutes, la question de la discrimination positive, les tensions autour de la question du voile, les luttes antiracistes, autant de symptômes d'un retour en force des questions ethniques. Non pas que les secondes se substituent aux premières, mais elles viennent s'y ajouter, compliquer le jeu. Certains voudraient qu'au nom de la «République universelle» on taise délibérément ces tensions. Je ne pense pas que ce soit une solution - en tout cas, plus maintenant. Une société multiraciale, pour être viable, doit se confronter à la question des regards croisés entre communautés. De toute façon, a-t-elle vraiment le choix?

    Que signifie l'expression «White Trash» que vous utilisez à plusieurs reprises?

    «White Trash» est un terme américain désignant les Blancs si pauvres qu'ils se sentent à la fois méprisés par les minorités ethniques - en l'occurrence, les Noirs - et par l'establishment blanc. Il pourrait être traduit par «déchet blanc» ou «raclure blanche». C'est un terme extrêmement insultant, mais qui peut être revendiqué dans un deuxième temps par ceux qui le subissent - comme le fait Eminem dans nombre de ses chansons.

    L'angoisse que ressent le White Trash, c'est celle d'être pris entre deux feux: les anciens esclaves se font un malin plaisir de lui cracher dessus parce qu'il représente, par sa couleur de peau, l'ancien maître ; et les bourgeois blancs le méprisent pour son comportement, sa saleté. D'une certaine manière, on considère qu'il a déchu de sa position de Blanc… La question, c'est de savoir s'il est possible ou non de parler de «White Trash» à la française.

    Le racisme anti-Blanc existerait donc, selon vous?

    Ce n'est pas quelque chose dont je parle beaucoup dans mon livre. Cependant, pour répondre à votre question, les débats actuels sur la question pointent l'idée que le «racisme anti-Blanc» serait moins grave que d'autres parce qu'il répondrait à un premier racisme subi, et qu'il serait ainsi moins significatif. Je ne sais pas s'il faut vraiment raisonner de cette manière, en hiérarchisant les racismes par cette sorte de prééminence historique. En tout cas, je mets en relief une autre forme de mépris: pas celui qui s'exerce dans la rue, mais celui qui s'exerce dans les élites. Car la fracture qui existe désormais entre la bourgeoisie blanche et les «petits Blancs» est désormais si profonde qu'elle relève, à bien des égards, d'une différence raciale: certains membres autoproclamés de l'élite n'hésitent pas à voir dans les plus pauvres des gens dégénérés, pour lesquels on ne pourrait plus rien. C'est ce racisme-là dont je parle surtout.

    Les associations antiracistes entretiennent-elles un conflit entre les Français?

    Le raisonnement des associations antiracistes est le même depuis trente ans: les discriminations sont le fait des Blancs. Le prétendu «racisme anti-Blanc» serait une notion forgée par le Front national, qui plus est très peu significative sur le terrain. Il est vrai que nous manquons de statistiques. Mais, au-delà de la question des chiffres, je pense que nous avons changé d'époque. Depuis le début des années 1980 et la création de SOS Racisme, les temps ont changé. Les minorités ne sont plus si minoritaires. Les violences, les discriminations ont évolué. Les «ratonnades» anti-maghrébines, par exemple, ont disparu, ce qui est très bien. Mais il faut précisément prendre acte de ces progrès et rester attentif aux nouvelles formes de tensions. La politique de ces associations, pour la plupart, était de sceller une alliance entre les différentes composantes minoritaires françaises contre une majorité perçue comme blanche et catholique. Je ne suis pas sûr que dresser cette barrière-là, de manière aussi tranchée, soit de nature à apaiser le débat aujourd'hui.

    Vous dîtes que les «petits Blancs» seraient interdits (moralement) de s'interroger sur leur identité...

    Dans le dernier chapitre du livre, j'essaye de réfléchir à ce que peut être la «situation du jeune homme blanc» dans la société française d'aujourd'hui. J'établis un parallèle, sans doute assez osé, entre celle-ci et la «situation du Juif» dans les années 1930 telle que l'analyse Sartre dans son fameux livre Réflexions sur la question juive. Elles me paraissent opposées sur un point notable: de même que, nous explique Sartre, le Juif souffrait du fait d'être mis à l'écart, même symboliquement, de la communauté nationale en dépit de tous ses efforts pour s'aligner sur une sorte de norme commune, de même le Blanc ressent une certaine angoisse, au contraire, à se voir interdire de nommer sa différence au nom du fait qu'il serait membre de la majorité. En tant que tel, il lui faudrait accueillir toute la diversité du monde sans prétendre lui-même avoir une quelconque épaisseur. Le Juif de Sartre était constamment renvoyé à ses particularismes ; l'Européen blanc d'aujourd'hui se voit constamment ramené dans le giron d'une majorité sans visage.

    Les «petits Blancs» se sentent-ils abandonnés par l'État?

    Il serait sans doute possible de marquer quelques dates clés dans ce processus: le «tournant sociétal» du PS dans les années 1980, le portant à se désintéresser en partie des questions sociales pour privilégier la question des minorités ethniques et sexuelles - ce qui n'est pas un mal en soi, bien sûr, mais change l'ordre des priorités et suscite la frustration ; l'aveu d'impuissance face au chômage, proféré par Mitterrand ; l'exhortation par le think-tank Terra Nova, adressé au PS, à laisser de côté les ouvriers parce que moins significatifs, d'un point de vue démographique - et politique.

    Autant d'éléments qui contribuent à forger la prise de conscience d'une classe pauvre et blanche, blanche parce que «n'appartenant pas aux publics qui intéressent la classe politique». De même que le Noir était auparavant le Non-Blanc, le Blanc est aujourd'hui le «non-minoritaire».

    Craignez-vous à terme que certains, ne se sentant pas écoutés, basculent de plus en plus dans la violence?

    C'est ma crainte, effectivement. Je pense que nous observons déjà les symptômes d'une société dont la brutalité s'accroît. Les débats font rage autour des chiffres, et je ne m'avancerai pas sur ce sujet-là, mais il existe de nouvelles formes de misère, des rancœurs qui cristallisent. Tout dépendra, me semble-t-il, de l'évolution économique: mais si nous tombons à des niveaux de pauvreté que connaît la Grèce, je ne vois pas ce qui empêcherait le pays de renouer avec des violences d'un autre âge.

    Aymeric Patricot (Le Figaro, 29 novembre 2013)

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  • La colère de la France d'à côté...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christophe Guilluy et Serge Guérin, cueilli sur le site du quotidien Le Monde et consacré à la recomposition sociale et culturelle de la France périphérique...

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    Écoutons la colère de la France d'à côté

    Étonnement des médias et des politiques devant la Bretagne intérieure qui plonge dans les jacqueries. C'est que les représentations territoriales et sociologiques des élites sont obsolètes. L'Ouest, et notamment la Bretagne, est encore identifié comme une « France tranquille », celle des classes moyennes bien insérées dans l'emploi et l'économie mondialisée. Si longtemps la hausse de l'emploi public a caché le déclin de l'industrie, si longtemps les subventions ont masqué les faiblesses d'un modèle agro-industriel mal positionné et catastrophique pour l'environnement, si longtemps les régions du Grand Ouest ont été tenues à l'écart des flux migratoires, leur récente recomposition économique, sociale et démographique a changé la donne.

    Du centre de la Bretagne à Villeneuve-sur-Lot (Aquitaine), du département de l'Oise à Brignoles (Var), des zones industrielles du Nord et de l'Est frappées par le chômage de masse aux régions rurales et industrielles de l'Ouest et du Sud-Ouest atteintes par la crise du modèle intensif et l'essoufflement des capacités redistributives, le décrochage frappe des territoires différents mais qui ont en commun d'être à l'écart des métropoles. Cette France périphérique, qui rassemble 60 % de la population, est celle où se déroule le destin de la grande majorité des catégories populaires.

    On peut ainsi relever qu'à l'Ouest la crise ne frappe pas Nantes ou Rennes, mais d'abord les espaces ruraux et industriels et les petites villes. La carte des plans sociaux est calée sur celle de la France périphérique, pas celle de la France métropolitaine, qui produit l'essentiel du PIB français. Pour la première fois dans l'histoire, les catégories populaires ne vivent pas là où se crée la richesse.

    Ce qui implose sous nos yeux, ce n'est pas seulement un modèle économique, ce sont aussi nos représentations des classes sociales. Or il faut saisir que des catégories hier opposées, ouvriers, employés, petits paysans, petits indépendants, artisans et commerçants, ou encore retraités populaires, salariés fragilisés du privé comme du public, partagent un sort commun face aux conséquences désastreuses de l'adaptation à marche forcée au modèle économique mondialisé.

    UNE SOCIÉTÉ DÉCENTRÉE S'INVENTE

    La montée de l'abstention et du vote Front national dans cette France pas si tranquille ne doit pas cacher le développement de nouvelles formes de mobilisations solidaires de proximité, hors des cadres traditionnels et institués. L'émergence d'une contre-société qui ne croit plus aux modèles anciens, loin de marquer une droitisation des Français, montre la volonté d'une part croissante des acteurs de reprendre leur destin en main. Face à des fractures sociales et identitaires, une société décentrée s'invente, souvent avec le soutien de communes, de collectivités territoriales ou de bailleurs sociaux, à travers l'économie sociale, des associations, mais aussi des aidants bénévoles qui font face à la fragilité d'un proche ou des habitants qui se regroupent, coopèrent, mutualisent… Une partie de la société civile innove dans des formes de solidarité centrées sur la proximité, réinvestit de manière contrainte son territoire et privilégie l'économie circulaire, adapte son mode de consommation à un pouvoir d'achat en chute libre, invente des nouvelles manières de soutenir le développement local.

    Si la construction métropolitaine a démontré son efficacité à produire des richesses et à permettre l'intégration économique des populations qui vivent dans ces territoires en phase avec l'économie-monde, en revanche, un modèle économique et social alternatif et complémentaire reste à inventer. C'est à partir des réalités économiques et sociales locales que les solutions sont et seront trouvées. Politiques locales de réindustrialisation, manifeste des nouvelles ruralités, réflexions sur de nouveaux pôles d'enseignement supérieur dans des petites villes, mutualisation des services publics, prise en charge des nouveaux besoins pour les retraités populaires, les initiatives ne manquent pas. Mais ne perdons pas de vue que cette contre-société qui vient ne se développera pas dans un consensus mou.

    L'émergence de ces nouvelles fractures territoriales dessine une nouvelle géopolitique locale, de nouveaux rapports de force. Comme l'a parfaitement démontré la géopoliticienne Béatrice Giblin, les territoires ont parfois des intérêts divergents, structurent et recomposent en permanence les rapports de force politiques. Nous en sommes là. Il est donc urgent de traduire institutionnellement les réalités des territoires et les besoins des populations, en sortant du débat stérile sur le meilleur échelon territorial à privilégier, pour inventer de nouvelles formes de politique publique adaptée aux réalités et permettant l'expérimentation et l'innovation sociale.

    La recomposition sociale et politique de la France périphérique dessine non seulement les lignes de nouvelles fractures culturelles, mais aussi une redynamisation à venir du débat et même du conflit en politique. Il convient désormais d'ouvrir les yeux sur le sort des catégories populaires dans la mondialisation. Plutôt que les leçons de morale et les discours incantatoires, prenons au sérieux un malaise social et identitaire qui affecte désormais une part majoritaire de la population.

    Serge Guérin et Christophe Guilluy (Le Monde,  22 novembre 2013)

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  • Classes populaires : vers la contre-société ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du géographe Christophe Guilluy, cueilli dans le quotidien Le Monde et consacré à l'exclusion par les classes dirigeantes des "invisibles des nouvellees clases populaires.

    Christophe Guilluy est l'auteur de Fractures françaises (Bourin éditeur, 2010)

     

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    Exclues, les nouvelles classes populaires s'organisent en "contre-société"

    Le malaise français ne serait donc qu'un bégaiement de l'histoire, un processus connu qui, en temps de crise, conduit inexorablement les classes populaires vers le populisme, la xénophobie, le repli sur soi, la demande d'autorité. Cette analyse occulte l'essentiel, le durcissement de l'opinion est d'abord le fruit d'une mise à distance radicale des classes populaires. En effet, pour la première fois dans l'histoire, les classes populaires ne sont pas intégrées au projet économique et social des classes dirigeantes. La nouvelle géographie sociale permet de révéler ce bouleversement. Après trois décennies de recomposition économique et sociale du territoire, le constat est redoutable. Contrairement à ce qui a toujours prévalu, les classes populaires ne résident plus "là où se crée la richesse", mais dans une "France périphérique" où s'édifie, à bas bruit, une "contre-société".

    Des marges périurbaines des grandes villes jusqu'aux espaces ruraux en passant par les petites villes et villes moyennes, c'est désormais 60 % de la population qui vit à la périphérie des villes mondialisées et des marchés de l'emploi les plus dynamiques. Cette "France périphérique" représente désormais un continuum socioculturel où les nouvelles classes populaires sont surreprésentées. Sur les ruines de la classe moyenne, des catégories hier opposées, ouvriers, employés, chômeurs, jeunes et retraités issus de ces catégories, petits paysans, partagent non pas une "conscience de classe" mais une perception commune des effets de la mondialisation et des choix économiques et sociétaux de la classe dirigeante.

    Une vision commune renforcée par le sentiment d'avoir perdu la "lutte des places" en habitant dorénavant très loin des territoires qui "comptent" et qui produisent l'essentiel du PIB national. Deux siècles après avoir attiré les paysans dans les usines, les logiques économiques et foncières créent les conditions de l'éviction des nouvelles classes populaires des lieux de production ; comme un retour à la case départ. Si les ouvriers étaient hier au coeur du système productif et donc dans les villes, les nouvelles classes populaires sont désormais au coeur d'un système redistributif de moins en moins performant.

    MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT MÉTROPOLITAIN

    Pour produire les richesses, le marché s'appuie désormais sur des catégories beaucoup plus compatibles avec l'économie-monde. L'analyse de la recomposition socio-démographique des grandes métropoles, c'est-à-dire des lieux du pouvoir économique et culturel, nous renseigne sur le profil de ces populations.

    Depuis vingt ans, le renouvellement de ces territoires est en effet porté par une double dynamique : de "gentrification" et d'immigration. Dans toutes les grandes villes, les catégories supérieures et intellectuelles ont ainsi investi l'ensemble du parc privé, y compris populaire, tandis que les immigrés se sont concentrés dans le parc social ou privé dégradé. Economiquement performant, le modèle de développement métropolitain porte les germes d'une société inégalitaire puisqu'il n'intègre plus que les extrêmes de l'éventail social. Sans profiter autant que les couches supérieures de cette intégration aux territoires les plus dynamiques, les immigrés bénéficient aussi de ce précieux capital spatial.

    Habiter dans une métropole, y compris en banlieue, n'est pas une garantie de réussite, mais représente l'assurance de vivre à proximité d'un marché de l'emploi très actif et de l'offre sociale et scolaire la plus dense. Dans une période de récession économique et de panne de l'ascenseur social, l'atout est remarquable. Aveuglé par la thématique du ghetto et par les tensions inhérentes à la société multiculturelle, on ne voit d'ailleurs pas que les rares ascensions sociales en milieu populaire sont aujourd'hui le fait de jeunes issus de l'immigration. Cette bonne nouvelle a beaucoup à voir avec leur intégration métropolitaine.

    Inversement, sur les territoires de la France périphérique, les champs du possible se restreignent. Cette France des fragilités sociales, qui se confond avec celle des plans sociaux, cumule les effets de la récession économique mais aussi ceux de la raréfaction de l'argent public.

    L'augmentation récente du chômage dans des zones d'emploi jusqu'ici épargnées, notamment de l'Ouest, est le signe d'une précarisation durable. La faiblesse des mobilités résidentielles et sociales est un indicateur de cette incrustation. Dans ce contexte, la baisse programmée des dépenses publiques, sur des espaces pourtant moins bien pourvus en équipements publics, contribue non seulement à renforcer la précarisation sociale mais aussi à accélérer le processus de désaffiliation politique et culturelle.

    A ce titre, le renforcement de la fracture scolaire semble obérer l'avenir. L'accès à l'enseignement supérieur et plus généralement la formation des jeunes ruraux sont déjà inférieurs à ceux des jeunes urbains.

    Aujourd'hui, le risque est de voir cette fracture scolaire se creuser entre l'ensemble de la France populaire et périphérique et celui de la France métropolitaine. Le contexte social et culturel britannique est autre, mais on ne peut être indifférent au projet alarmant du ministre de l'éducation nationale anglais, David Willets, qui évoque dorénavant la nécessité de mettre en place une politique de discrimination positive en direction des jeunes Blancs de la working class, dont le taux d'accès à l'université est en chute libre.

    FORMATION DES JEUNES RURAUX

    Ces informations, qui sont autant d'indicateurs de la recomposition des classes populaires en France et en Europe, soulignent aussi l'impasse dans laquelle sont désormais bloquées ces catégories. Si les suicides récents de chômeurs en fin de droits permettent de mesurer l'intensité de la désespérance sociale, ils ne doivent pas nous faire conclure à la "fin de l'histoire" des classes populaires ; celle-ci se poursuit par des chemins détournés.

    Exclues du projet économique global, les classes populaires surinvestissent le territoire, le local, le quartier, le village, la maison. On se trompe en percevant cette réappropriation territoriale comme une volonté de repli, ce processus est une réponse, partielle mais concrète, aux nouvelles insécurités sociales et culturelles.

    Il est d'ailleurs frappant de constater que cette recherche de protection, de frontières visibles et invisibles est commune à l'ensemble des classes populaires d'origine française ou immigrée. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'il faut lire le retour de la question identitaire dans la jeunesse populaire, aussi bien en banlieue que dans la France périphérique.

    Si ces évolutions contredisent le projet d'une société mondialisée et multiculturelle apaisée, elles révèlent aussi, en milieu populaire, et quelle que soit l'origine, la construction de nouvelles sociabilités. Loin du champ politique, c'est une contre-société qui s'organise, par le bas.

    Christophe Guilluy (Le Monde, 19 février 2013)
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